Une mouette rieuse traverse le ciel. Un martin pêcheur se repose sur un arbre bien choisi. Des grèbes huppés se baignent en bande sous le soleil. Nous sommes à la Grande Cariçaie, qui avec ses 3000 hectares est de loin la plus grande zone marécageuse de Suisse. Située sur la rive sud du lac de Neuchâtel, elle réunit des marais, des forêts inondées, des rivages et surtout un quart des espèces de la flore et de la faune suisses. La Grande Cariçaie est l’une des onze zones humides du pays à être protégée par la Convention de Ramsar, un texte dédié à la sauvegarde des zones humides les plus précieuses pour la biodiversité de la planète.

Des lieux de nidifications
Les zones humides sont des milieux de transition entre les écosystèmes terrestres et aquatiques. Elles se caractérisent par une saturation en eau du sol qui vient influencer leur composition biologique, chimique et hydrologique. En conséquence, ces zones englobent une riche diversité de milieux dont des deltas, des zones alluviales ou encore des marais. Surtout, leur point commun est d’abriter de nombreuses espèces végétales et animales. Elles jouent ainsi un rôle crucial pour les oiseaux d’eau en leur offrant des lieux de nidification et de repos pendant les migrations. Certaines espèces dépendent donc de ces biotopes pour survivre.

En plus de leur importance pour la faune et la flore, les zones humides rendent de nombreux services écosystémiques aux humains, dont la régulation du cycle de l’eau ou la captation de CO2.

Mais aujourd’hui, la modernité amène son lot de menaces. L’urbanisation comme la pollution mettent à mal ces biotopes à l’équilibre fragile. C’est pour sensibiliser le grand public à la sauvegarde ces sites irremplaçables, que vingt-cinq jeunes se sont engagés. Ils ont collaboré avec la boîte de production lémanique Teenergy. Le résultat: une série de onze courts-métrages documentaires. Le format, une vingtaine de minutes tout au plus, est efficace. Le ton mêle approche scientifique et poésie. Les documentaires sont articulés autour d’une rencontre: celle entre des experts de la biodiversité et des jeunes originaires de toute la Suisse. 

La science par la beauté

Axel Lakhdar, réalisateur, a travaillé aux côtés de son père Hassan sur l’ensemble des films. Le jeune homme n’a que 18 ans lorsqu’il fait ses premiers pas dans le projet. «Orchestrer la rencontre entre deux mondes: les jeunes d’un côté et les scientifiques de l’autre, ça m’a tout de suite parlé.»

Pour Axel, informer en montrant la beauté des zones humides est une stratégie qui paie: «Beaucoup de gens ignorent que ces zones sont des endroits à couper le souffle. C’est crucial de filmer cette beauté. En la voyant, les gens ne peuvent que tomber amoureux. Pour avoir envie de protéger la nature, il faut avant tout l’aimer.»

Liana Menétrey, elle, a eu le vrai coup de foudre lorsqu’elle découvre la Grande Cariçaie à l’occasion du tournage: «J’avais l’impression de voyager, de passer d’un pays à l’autre tant les paysages sont différents. Tout ça en croisant sur mon chemin des martin pêcheurs ou des goélands.» Aujourd’hui, Liana habite près de la réserve des Grangettes, une autre zone humide protégée par la convention de Ramsar.

Sami Zaïbi a participé avec Liana au documentaire sur la Grande Cariçaie. Comme elle, il était déjà un passionné de la nature, mais parcourir la réserve lui a permis de saisir pleinement les enjeux liés à la sauvegarde du site. «Quand on parle de biodiversité ou d’écosystèmes en danger, il y a cette croyance que ça concerne des lieux à des milliers de kilomètres, situés sur d’autres continents. C’est faux, et c’est tout le drame des zones humides: elles sont aussi méconnues que nécessaire. S’y rendre permet de mieux saisir leur importance, insiste-t-il. On y découvre la nature à l’état brut, telle qu’elle devrait être.»

Engagement et convictions

De son côté, Hélène Tavel a participé au film sur le Chablais de Cudrefin. Elle juge urgent de sensibiliser le public à la protection des zones humides. «En Suisse, si on a eu la chance de grandir en allant dans la nature, c’est souvent en montagne. Cela permet d’avoir cette sensibilité pour des enjeux liés au climat, mais pas de réaliser l’importance des zones humides. Il faudrait développer un lien similaire avec ces sites.»

Grâce à la diversité des intervenants, chaque documentaire de Teenergy crée à sa manière un lien entre la découverte de la nature et la transmission du savoir. Un mélange audacieux, qui parvient à susciter son lot d’émotions.

Avant-premières

27 mai 2024 à 20h30 : première du film « üses dihei - Laubersmad Salwideli » au Centre de la biosphère à Schüpfheim.

26 septembre 2025 : première du film « À l'écoute de la nature - Niederried Stausee » organisé par la communauté d'intérêts des personnes sourdes et malentendantes IGGH au Lichtspiel/Kinemathek à Berne.

Plus d'informations sur le site de la société de production Teenergy : Teenergy Productions

Le tout dernier documentaire réalisé, qui rend hommage au site de Niederried Stausee à Berne, suit Laura et Joana Lehmann, sœurs et toutes deux sourdes depuis la naissance. Grâce à leur implant cochléaire, elles parviennent néanmoins à écouter le bruit des oiseaux qui parcourent la réserve, du chant du Rossignol à celui du Pinçon. La scène porte un message fort à l’image de la série: la nature offre à tous, sans exception, de quoi s’émerveiller.

Les documentaires Teenergy exposent donc au grand public toute la richesse des zones humides et leur incroyable diversité. Cette immersion imagée nous montre qu’en tant que réservoirs de biodiversité, ces zones constituent des systèmes complexes où les interactions entre eau, sol, plantes et animaux forment un équilibre fragile. Un équilibre irremplaçable pour la planète, à sauvegarder absolument.

Portraits

Les tournages ont eu lieu dans les quatre langues nationales. En français pour le site de la réserve naturelle vaudoise des Grangettes (VD), en allemand pour le Stausee Niederried (BE), en italien pour le Bolle di Magadino (TI) et finalement le romanche pour le glacier Roseg (GR).