Le printemps est de retour, et avec lui la joyeuse valse des abeilles, des mouches et des coléoptères. Les propriétaires de jardin et les agriculteurs se réjouissent de l’arrivée d’insectes utiles comme les abeilles mellifères et les coccinelles. Toutefois, des espèces exotiques envahissantes se propagent aussi de plus en plus en Suisse, où elles peuvent nuire à l’agriculture, à la biodiversité, aux infrastructures, voire à la santé humaine.
Parmi ces espèces exotiques envahissantes figure le capricorne asiatique, originaire d’Asie de l’Est. Dans un contexte de mondialisation croissante, le commerce, les transports et les voyages se sont développés et ont permis à ce coléoptère de se frayer un chemin jusqu’en Suisse. Pour repérer les espèces indésirables, des contrôles à l’importation ont été introduits en 2011. Depuis, des emballages en bois infestés de capricornes asiatiques sont régulièrement découverts au port de Bâle ou à l’intérieur du pays ; ils doivent alors être détruits.
Si un capricorne asiatique est repéré en Suisse, il doit être signalé immédiatement et des mesures de lutte doivent être engagées. En effet, le capricorne asiatique s’attaque à de nombreuses espèces de feuillus, y compris – ou en particulier – aux végétaux en bonne santé, et peut causer la mort d’un arbre en quelques années seulement. Les dégâts sur les plans économique, écologique et financier sont donc considérables. Les communes de Zell (canton de Lucerne), de Marly et de Pierrafortscha (agglomération de Fribourg) sont particulièrement touchées. Un grand foyer de capricornes asiatiques a été découvert le 20 février 2025 sur la commune de Pierrafortscha : des trous d’envol, des œufs ainsi que des larves y ont été observés.
Les autorités concernées mettent en œuvre rigoureusement les mesures de prévention et de lutte prévues par la loi. À Pierrafortscha, elles ont immédiatement fait analyser les environs et ont également fait appel à des chiens spécialement formés, qui, grâce à leur excellent flair, peuvent repérer un foyer d’infestation difficilement visible à l’œil nu. En cas de doute après l’intervention des chiens, il est possible de faire appel à des spécialistes en soin aux arbres pour confirmer l’existence d’un tel foyer. En France, en Italie, en Allemagne et en Suisse, des équipes de chiens renifleurs ont permis de lutter efficacement contre le capricorne asiatique.
Les autorités cantonales, qui sont responsables de la lutte contre le capricorne asiatique, misent également sur les chiens renifleurs. Le but est d’éliminer les coléoptères avant qu’ils ne s’envolent. Pour ce faire, il faut également abattre immédiatement et détruire selon des règles bien précises les arbres et les arbustes touchés. Dans le cadre de mesures phytosanitaires, les principales plantes hôtes sont aussi abattues dans un périmètre déterminé. Ainsi, les coléoptères sont privés de leur habitat et les éventuels végétaux infestés qui n’auraient pas encore été identifiés sont détruits.
Le magazine en ligne « l’environnement » s’est penché sur les mesures de lutte déployées dans le canton de Fribourg, dont il rend compte dans son podcast.
Une chose est sûre, les apparences sont parfois trompeuses : le moustique tigre est certes moins bruyant et plus petit que ses congénères, mais il est plus agressif et peut piquer plusieurs fois de suite tant au crépuscule qu’en journée. Au Tessin, il s’est fortement propagé, à tel point qu’il est devenu un fléau pour la population.
Le moustique tigre a été observé pour la première fois en Suisse il y a une vingtaine d’années. Les Alpes formaient autrefois une barrière naturelle contre les espèces exotiques envahissantes, mais leur effet protecteur s’est affaibli. Au Tessin, le moustique tigre est aujourd’hui plus répandu que les moustiques indigènes et il ne cesse de gagner du terrain.
La biologiste Eleonora Flacio, de la Haute école spécialisée de la Suisse italienne, a déclaré la guerre au moustique tigre et a adopté à cette fin une approche innovante : traiter le mal par le mal en se servant des moustiques tigres contre eux-mêmes. En effet, elle stérilise les mâles à l’aide de rayons X, puis les relâche dans la nature. Après l’accouplement, les femelles pondent des œufs « vides », qui ne donnent pas de naissance.
Lancé en 2022 avec un premier essai, le projet a depuis pris de l’ampleur. Eleonora Flacio dresse un bilan positif.
E : Nous avons réussi à réduire le nombre de femelles de presque 64 % pendant le test. Ce résultat est réjouissant, même s’il peut encore être amélioré. Jusqu’à présent, nous nous sommes concentrés sur un site isolé et souhaitons désormais tester l’efficacité de notre méthode dans des régions qui ne le sont pas. Nous aimerions également voir les effets sur des mâles en meilleure santé. En effet, les moustiques que nous avons utilisés naissent et sont irradiés en Italie, puis sont transportés en Suisse. Or le transport n’est pas optimal et peut les mettre à mal. Néanmoins, les résultats obtenus sont prometteurs.
Cette méthode serait-elle applicable dans d’autres cantons ?
E : Bien sûr. Notre méthode peut être utilisée dans l’ensemble du pays. Les cantons des Grisons et de Bâle-Ville, par exemple, soutiennent notre projet. Nous œuvrons actuellement à la création d’une entreprise afin d’élever et de stériliser nos propres larves en Suisse. Nous faisons de la recherche appliquée. En d’autres termes, notre travail doit servir la population.
Tous ces efforts en valent-ils la peine ?
E : Combinée à d’autres mesures, cette technique donne de bons résultats. La stérilisation des mâles ne serait pas une solution à elle seule, mais elle fait ses preuves lorsqu’elle est associée à d’autres méthodes.
La population peut-elle aussi contribuer à la lutte contre le moustique tigre ?
E : Si la propagation du moustique tigre ne peut plus être arrêtée, il reste possible de réduire le nombre d’individus. L’aide de la population est essentielle : les habitants peuvent vider l’eau stagnant dans les arrosoirs ou les soucoupes des pots, car les moustiques tigres aiment s’y reproduire. De plus, ils peuvent traiter l’eau qui ne peut être retirée en utilisant des produits spéciaux respectueux de l’environnement.